Deux semaines
extraordinaires en Arménie
Par Eddie
Arnavoudian
Traduction Louise Kiffer
Nous revenons
d’un voyage fantastiquement enrichissant en Arménie, d’abord à Erevan, puis dans
les montagnes de Lori et de Tavush.
Enrichissante et révélatrice, une aventure immensément agréable, mais aussi une
rude confrontation avec des vérités dures et indéniables sur l’Arménie et son
avenir possible.
Un pays d’extrêmes à tous points de
vue, géographiquement, socialement, politiquement et économiquement.
Un
peuple extrêmement hospitalier, généreux et sociable ; mais pris au piège d’une
pauvreté sans espoir. Desespérée du fait qu’il ne semble pas y avoir moyen de
sortir de cette pauvreté, nulle promesse de redressement économique ou de
développement qui donnerait aux Arméniens une base solide sur leurs propres
terres.
Les
seuls signes de ‘progrès’, si l’on insiste à les appeler ainsi, se refèrent
seulement aux 5 % de la population qui est extrêmement riche, puisque 95 % du
reste est extrêment pauvre. Pour ces 5 % on est en train de construire dans le
centre ville de nouveaux centres commerciaux, aux rues piétonnières, accueillant
Gucci, Gap, Addidas etc…etc…Dans les faubourgs les plus riches d’Erevan on
remarquera à une vaste échelle les riches immeubles privés d’habitation.
Pour
la masse du peuple, cependant, il n’y a aucun signe de rénovation ni
d’amélioration de leurs pâtés de maisons, excepté les nouvelles constructions.
Les
services publics s’écroulent, les transports publics sont maigres, et le manque
d’emploi est très répandu. Ces demandeurs d’emploi souffrent d’une insécurité
permanente. Des hommes et des femmes de plus de 70 ans doivent travailler cinq
jours par semaine pour joindre des deux bouts. Les familles sont disloquées car
leurs enfants sont obligés de quitter le pays à la recherche de travail et de
subsistance. Il n’y a aucune confiance dans le système politique.
Partout il y a une passivité renfrognée, et si l’on s’efforce de faire quelque
chose, c’est de quitter le pays.
Ces
impressions me sont provenues d’innombrables conversations dans les bus et les
taxis follement bondés de passagers et de marchandises, ainsi que des gens chez
qui nous avons logé lors de notre voyage dans quelques parties du pays.
Et
pourtant, d’autre part, nous avons été témoins de la beauté stupéfiante du
paysage, avec ses montagnes, ses forêts, ses fleuves, ses oiseaux et ses aigles.
De
retour à Erevan, nous avons été émerveillés par un incroyable double arc-en-ciel
complet et d’une clarté radieuse au-dessus du Sevan et des montagnes.
Traversant
le pays, nous avons vu ces fameux monuments – Noravank,
Sanahin,
Goshavank et les autres – ces centres d’art, de culture, et d’enseignement, qui
sont les témoins du génie humain. Construits dans des rochers des plus
lointaines hauteurs montagneuses, ils témoignent non seulement du génie culturel
et intellectuel mais de la volonté farouche de survie et d’endurance contre
toutes les malchances.
Raffi
et Souren, et naturellement Sarah et moi-même avons pris plaisir à monter à
cheval à travers les plus profondes gorges, le long des sentiers les plus
étroits sur la route qui mène aux grottes donnant sur les falaises à pic.
C’était terrifiant, mais exaltant.
Nous sommes
allés dans les montagnes à l’est de Hraztan pour voir les aigles et autres
oiseaux. Les enfants bondissaient dans le Lac Sevan et jouaient dans les cours
d’eau locaux. Mais ils aimaient beaucoup aussi le Matenadaran et le Musée
National d’Histoire, les fontaines d’Erevan et ses musées pour enfants.
Hélas ! Nous n’avons jamais été à Sardarabad, ni Etchmiadzin, ni Datev et
autres lieux. Mais ce sera pour la prochaine fois.
Un Arménien Barouyr
Sevak est resté une immense vedette et sa poésie est lue et récitée comme une
critique des maux d’aujourd’hui. Un chauffeur de taxi a cité un passage d’un
poème de Sevak en une dénonciation d’un dirigeant politique local, et un extrait
différent fut cité au cours d’un trajet en bus qui passait devant la maison d’un
milliardaire de réputation douteuse.
Hélas, les forces qui dirigent la vie de l’Arménie n’ont ni projet, ni vision
stratégique, ni ambition pour fortifier la nation, l’Etat et le peuple. Une
terre magnifique et potentiellement prospère est en train d’être détruite.
L’absence de vision, de projet et de stratégie est terrifiante. Nous ne devons
avoir qu’une très faible idée de la menace suspendue par une Turquie et un
Azerbaïjan hostiles, pour voir combien l’Etat Arménien deviendrait faible en cas
d’un assaut concerté.
Dans
ce contexte, on doit tirer son chapeau à Armen Aivazyan et à ses collègues du
Centre Ararat. Il se peut que l’on ne soit pas tout à fait d’accord avec toute
leur thèse, mais il faut admettre que pour les programmes publics disponibles
pour investigation et considération, le Centre Ararat offre l’analyse la plus
convaincante et persuasive du présent.
Eddie Arnavoudian, 10 juin 2009.
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